lundi 14 décembre 2009

Goana après un an 1 : Peut mieux faire ... !

Au moment où, il est question de la commercialisation des produits de la Goana 1, les producteurs riziculteurs de la vallée (du Fleuve Sénégal) battent le macadam pour la commercialisation du stock invendu de la contre-saison.

Ce qui traduit que la Goana 1 n'a pas influé sur les importations (du riz).

Notre pays reste encore, de très loin, le premier pays importateur de riz en Afrique de l’Ouest et du Centre.

C'est dans ce contexte que Jeune Afrique a réalisé un certain de nombre de reportages sur les espoirs suscités par ce vaste programme mais aussi les points de vue (ou interrogations) de certains acteurs à savoir les producteurs :

Les espoirs de la Goana

Contrecoup de la politique qui a privilégié l’essor des agglomérations, les campagnes sont dans une situation difficile, et le pays importe 80 % de son riz. La Grande Offensive agricole pour la nourriture et l’abondance lancée en 2008 peut-elle changer la donne ?

Le fossé est énorme… Sur 500 000 hectares de terres irrigables – dont 240 000 hectares dans la vallée du fleuve Sénégal –, le pays de la Teranga (« hospitalité », en wolof) n’en exploite qu’environ 60 000 pour la culture du riz. Un paradoxe, étant donné que le plat national, le thiep bou dien, est cuisiné à base de riz. La consommation est ainsi estimée à 800 000 tonnes par an, alors que la production locale oscille entre 150 000 tonnes, voire 200 000 tonnes.

« Avec un tel potentiel, si l’État nous soutenait davantage, le Sénégal pourrait régler en grande partie la question de l’autosuffisance en riz », remarque Saliou Sarr, coordonnateur au Sénégal du Réseau des organisations paysannes et des producteurs de l’Afrique de l’Ouest (Roppa). Et de conclure que, « sous l’effet des importations asiatiques en constante augmentation ces dernières années, le prix d’achat aux producteurs locaux n’a cessé de baisser, mais les prix de vente aux consommateurs ont continué d’augmenter. Seuls les importateurs en ont profité… » Avec, en point d’orgue, la crise alimentaire en 2007 et 2008.

Devant la grogne des populations, le gouvernement, sur le pied de guerre, a négocié avec l’Inde des approvisionnements exceptionnels, tandis que l’État a opté pour les subventions. « Dans les secteurs alimentaire et énergétique, elles ont coûté 172 milliards de F CFA entre juin 2007 et août 2008, sur un budget 2008 avoisinant les 1 600 milliards de F CFA [262,2 millions d’euros] en 2008 », explique un proche du dossier. Au total, depuis 2006, les subventions se sont élevées à 234 milliards de F CFA. Le Fonds monétaire international (FMI) a alors tiré la sonnette d’alarme, estimant que l’État sénégalais vivait au-dessus de ses moyens. Dakar a fait machine arrière, revenant à la vérité des prix pour « stopper l’hémorragie », admet un haut fonctionnaire. Il en est donc fini des artifices budgétaires.

Le chef de l’État préfère alors s’attaquer à la source du problème et lance en avril 2008 la Grande Offensive agricole pour la nourriture et l’abondance (Goana). L’objectif se veut ambitieux – attribuer des terres et fournir des équipements pour parvenir à l’autosuffisance alimentaire – et l’enveloppe est alléchante : plus de 344 milliards de F CFA. Quelques initiatives sont prises çà et là pour relayer localement ce plan national, mais, pour l’heure, les effets sont encore minces. Pourtant, les défis sont immenses.

Le secteur agricole représente 15 % du PIB et occupe 70 % de la population. Depuis 2005, la production de la plupart des cultures vivrières diminue, pour des raisons bien connues : difficultés financières de certaines filières, notamment en raison de la baisse des prix, insuffisances dans l’approvisionnement en engrais et pénurie d’investissements pour mécaniser les exploitations familiales aux rendements très faibles. Par exemple : en raison du climat sahélien et faute d’installations hydrauliques, les récoltes dépendent à 95 % des précipitations.

Cela ne peut plus durer. Le défi démographique, conjugué à l’augmentation des populations urbaines, place les campagnes dans l’obligation d’augmenter leur productivité. Après avoir misé sur les infrastructures de la capitale, les autorités en ont pris conscience. Aux paysans de passer à la vitesse supérieure.

La Goana vue de Sangalcam 

À défaut de répondre, pour l’instant, au défi alimentaire, la Grande Offensive agricole du président Wade suscite surtout des interrogations.

« J’ai entendu parler de la Goana [Grande Offensive agricole pour la nourriture et l’abondance, NDLR] à la radio, mais en fait je ne sais pas ce que c’est », lance Baïdy Bah, un agriculteur de Bambylor, un village situé à une quarantaine de kilomètres de Dakar. À Sangalcam, connue pour la qualité de ses terres et dont les produits sont réputés sur les marchés de la capitale, la situation est identique. On demande à voir. Dès l’annonce, en avril 2008, de cette « grande offensive » pour faire face à la crise alimentaire, les habitants ont installé un comité villageois pour conduire les démarches auprès de l’État. Après avoir attendu un rendez-vous au ministère de l’Agriculture pendant deux mois, ce n’est qu’en juillet dernier que 230 hectares de terres cultivables appartenant à l’Institut sénégalais de recherche agricole (Isra) leur ont été attribués. Mais, entre-temps, ce comité qui comptait 400 membres à sa création en a perdu plus de 300, lassés d’attendre.

« L’état n’a rien donné »

« Au début, nous étions très emballés, rappelle Abdoulaye Diallo, le coordonnateur local de la Goana. Mais nous avons vite réalisé qu’aucune politique d’accompagnement n’avait été mise en place. » Selon lui et Yacine Diop, présidente d’un Groupement d’intérêt économique (GIE), l’État n’a rien donné. « Même pas une houe », déplore l’agricultrice, soulignant que c’est avec l’aide des habitants qu’ils ont défriché et labouré les terres, puis récolté les produits (maïs, manioc, sorgho et niébés). « Nous avons acheté nos semences et dépensé en tout près de 2 millions de F CFA », ajoute Diallo. De plus, à cause de l’absence d’espaces de stockage, les villageois se sont servis directement dans les champs, au fur et à mesure des récoltes. Résultat, la production n’a pas pu être quantifiée.

À la mi-novembre, alors que les derniers épis de maïs et gousses de niébés sèchent au soleil, les paysans de Sangalcam s’inquiètent de l’avenir de la Goana. « L’initiative est certes excellente, mais certains pourraient se l’approprier à notre détriment », explique Diallo, qui révèle avoir été contacté à plusieurs reprises par des ONG sénégalaises qui lui ont demandé de lister ses besoins. Il les soupçonne de vouloir ensuite demander des financements étrangers sur lesquels il n’aurait aucun droit. Alors que la saison sèche approche, il regrette aussi l’absence de projets de développement des cultures de contre-saison. Notamment les produits maraîchers, qui s’écoulent bien dans la capitale. Confrontés à un manque d’eau, les agriculteurs demandent l’installation de nouveaux forages. « Sans cela, nous devrons attendre le prochain hivernage pour cultiver », regrette Diallo.

La Goana, chiffrée à plus de 344 milliards de F CFA – qui prévoit l’attribution de terres ainsi que la fourniture d’équipements (motopompes, moissonneuses…) –, doit en principe relancer un secteur qui représente 15 % du produit intérieur brut (PIB) et occupe 70 % de la population.

Relancer les filières vivrières

Mais, depuis 2005, la production de la plupart des cultures vivrières est en baisse. Les raisons profondes sont connues : les difficultés financières de certaines filières, les insuffisances dans l’approvisionnement en engrais et la pénurie des investissements pour mécaniser les exploitations familiales, aux rendements très faibles. Sur tous ces points, il reste beaucoup à faire. À commencer par le développement de la culture du riz, qui sert de base à l’alimentation au Sénégal avec le plat national, le tiéboudienne. Alors que la consommation est estimée à 800 000 tonnes par an, la production locale ne dépasse pas les 200 000 tonnes.